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Jean-Claude Villain

Savates de vent

Traduction arabe de Iman Riah des deux ouvrages:

Le Marchand d’épices et Sept chants de relevailles

préface de Rifaat Sallam, éditions ANEP, Alger, 2003

 

La traduction de ces deux ensembles poétiques, Le Marchand d’épices et Sept chants de relevailles, réunis ici sous le titre Chants, permet au lecteur de langue arabe une approche privilégiée de mon travail poétique. En fait celui-ci pourra lui paraître d’autant plus familier que les deux niveaux d’intention qui ont prévalu dans la composition de ces textes intègrent des aspects caractéristiques de sa propre culture.

Sur le plan formel tout d’abord, ces poèmes en prose (appelés, selon, contes poétiques, chants, ou récits-poèmes) présentent un espace poétique qui prend le parti de rester du côté de l’oralité. Tout en rendant, par une apparente simplicité, les textes plus immédiatement partageables, ceci contribue avant tout à développer une parole qui, sans négliger les formes de l’écriture moderne, n’en conserve pas moins une filiation avec une tradition, où rythme, musique et souffle, portent et emportent le verbe de façon incantatoire en rappelant certains aspects de la langue prophétique. Il s’agit d’opérer par là une juste adéquation entre une atmosphère, un sujet et un style, dans la recherche d’une réception par le lecteur, fondée autant sur la compréhension intellectuelle que sur l’émotion et la sensibilité. La conception de Saint-John Perse du poème, comme « une longue phrase sans césure », est également la mienne. L’on pourrait penser également aux Cantos d’Ezra Pound et à la composition de l’Odyssée, en chants justement. Ou encore à la grande récitation poétique arabe, chef-d’œuvre d’oralité, par sa construction, sa syntaxe, son rythme, où l’ampleur du poème participe d’une forme perçue, comme l’unique moyen sémantique pour exprimer son propos.

Sur le plan du sens, on peut dire qu’ici « le thème oriental » prédomine, qu’il s’agisse des Chants de relevailles, écrits d’abord par référence au conflit du Proche-Orient, et où apparaissent de nombreuses références méditerranéennes, que des contes poétiques du Marchand d’épices où, comme dans le conte oriental, des bribes d’histoire viennent tracer le portrait d’un personnage et développer une situation symbolique portant le sens, comme dans la tradition des paraboles et légendes. Ainsi tel personnage révèle ses qualités intérieures exacerbées alors que son corps souffre ou est diminué par une amputation ou une infirmité. Cela conduit à penser que, même si la langue poétique est universelle –et davantage encore grâce à la traduction, médium de sa diffusion plurielle-, et si les archétypes que le poète sait pressentir, reconnaître, puis communiquer sont communs à toutes les cultures, le lecteur arabe est, selon moi, plus proche du monde présent dans ce livre, qu’un lecteur européen qui en a cependant eu le premier l’accès. C’est aussi, je l’avoue sans concession aucune, que l’état d’âme qui m’anime, qui commande à mon imaginaire, par là à mon travail de création est, instinctivement –ou ataviquement ?- plus proche d’une sensibilité « orientale », dont je me sens nourri. Je m’en rapproche par la pensée, la sensibilité et l’inspiration, et elle est constamment enrichie par les amis que je compte dans la vaste aire arabe, et auxquels je veux marquer ici ma reconnaissance et mon affection.

Jean-Claude Villain

juillet 2002

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